Il est 11 heures du matin et j’écoute une émission sur France culture « Chien noir des seventies de François Bon… ». Elle relate l’histoire d’un groupe de musique : Led Zeppelin. Groupe mythique de la fin des années soixante et soixante-dix. S’il est une formation musicale qui a marqué à cette époque c’est bien celle-là. Inventeur du hard rock, dans les concerts, les décibels étaient rois.
Chien noir, Black Dog…Ce morceau des Led Zeps me propulse par la pensée vers les années soixante-dix…
Je me promène dans l’avenue de Colmar en direction du centre-ville. A cette époque il y avait beaucoup de choses agréables et en particulier les filles en minijupes, beaucoup de petits magasins sans prétention, un peu « cheap », qui côtoyaient les vitrines chics, et presque tout le monde est en cheveux longs, un peu hippies sur les bords.
Chien noir…
Arrivant à la hauteur de la bijouterie B.…Une scène révoltante se déroule sous mes yeux et celle des passants. Une vieille Mercedes garée dans le couloir des bus, avec à son bord deux enfants d’environ trois ans et une femme qui devait être leur mère. Appuyé sur l’aile avant droite, un homme à la peau sombre, certainement leur père, maintenu en respect par un chien policier et deux représentants de la loi. La cause de l’interpellation devait certainement être l’état pitoyable de la voiture, Les propriétaires ne roulaient certainement pas sur l’or. Le chien, un berger allemand bien nourri et dressé pour l’attaque, tirait sur la laisse à arracher le bras de son maître, avec des aboiements qui couvraient le bruit de la circulation pourtant intense de cette rue. Au bout d’un moment il réussit à se libérer et se précipite pattes en avant sur la vitre qui protégeait les enfants. Je cherche encore par quel miracle elle a tenu le choc, ou que les montants ne se sont pas tordus. A l’intérieur les enfants hurlaient de terreur, la tête du molosse à leur hauteur, montrant des crocs brillants et bavant, une gueule pour qui un loup n’aurait été qu’un en-cas. Les yeux grands ouverts vers l’extérieur, les larmes qui leur coulaient dans la bouche grand’ ouverte par leur cri, pris entre la douleur de l’agression que subissait leur père et la peur ancestrale de l’animal pris au piège, une angoisse ineffaçable s’inscrit dans leur mémoire.
Parmi l’attroupement de gens qui s’est fait autour de la scène, certains « hippies » commencent à insulter les « flics ». Mème les grands-mères réactionnaires et qui n’aiment pas les « beatniks », disent leur façon de penser aux policiers. Débordés par la reprise en main de leur chien et les insultes de la foule, ils donnent l’ordre au propriétaire de la Mercedes de remonter dans sa voiture et de circuler. Ils se lancent ensuite dans une explication de texte sur ce qu’est la loi et les devoirs des citoyens à la foule. Vociférations de plus en plus virulentes de certains profiteurs de troubles et qui prennent pour bonne, toute occasion pour augmenter le désordre. Devant tant d’incompréhension, les deux représentants de l’ordre, décident de disperser la foule, à l’aide de leur chien, et de leurs gourdins, pour en finir avec tout ce brouhaha (la chienlit dirait un Général.).
Pendant ce temps je regarde s’éloigner la vieille voiture, cocon métallique rouillé et brinquebalant qui abrite un mélange de soulagement, de peurs, d’angoisses et de pleurs, le tout dans une odeur de vieux skaï troué et de fourrure synthétique miteuse. Que vont en retenir ces enfants ? Si nous ne sommes que le reflet de ce qui nous entoure, et particulièrement des images fortes, l’homme ayant une fascination pour la peur ?
Les sirènes des voitures de renforts de la police commencent à se faire entendre…
Sans m’en rendre compte l’émission de radio « Chien Noir des seventies » est terminée. Je n’en ai presque rien entendu, perdu dans mes souvenirs.
En soupirant, je décide d’aller boire un café au « Bar des Dolomites ». Il se situe non loin du lieu où s’est passé cette scène il y a trente ans. Beaucoup de choses ont changé depuis, mais ce bar est toujours là avec un aspect un peu dépenaillé, bien loin des couleurs pimpantes, acidulées, et joyeuses de ces années-là.
Je m’installe à une table face au bar et je demande un café.
Le garçon vient me servir, il pose la tasse sur la table et dit :
-Bonjour Monsieur
-Bonjour
-Il me semble vous connaître…
Je le regarde avec plus d’attention, ce qui saute immédiatement aux yeux sur cette personne, ce sont les rouflaquettes qu’il porte très longues, totalement en dehors de la mode actuelle.
Il me sourit et son sourire n’est pas banal : il n’y a que la lèvre supérieure qui se lève et on y voit des dents très blanches et pointues.
-Dites-moi, dis-je, vous avez quel âge ?
-Trente-trois ans, me répond-il.

Ecolier, Apprenti, Bac-6, Ouvrier, Régleur, Mécano pro, Petit Chef, Grand Chef, Petit Novelliste, Petit Photographe, Petit Bricoleur au grand désespoir de mon entourage…etc. Vous comprendrez que j’ai fait au minimum HEC (Hautes études communales…).
Et je cite entre autres : Créateur et Administrateur de ce site.